Chiffre d’affaires est vain, profit est sain, cash est souverain

De nombreux ouvrages listent des dizaines d’indicateurs, tous plus riches les uns que les autres. Mon objet n’est pas de discuter la pertinence de ces indicateurs ni de former des experts comptables, mais de concentrer l’attention sur ceux des indicateurs qui sont les plus pertinents pour piloter un redressement d’entreprise.
Et l’indicateur clé de l’entreprise en difficulté, c’est la trésorerie. Bien plus que le niveau des ventes ou le résultat financier, la trésorerie décide de la continuation ou du dépôt de bilan rapide.
Pourquoi garder les yeux et l’esprit sur la trésorerie plutôt que sur le résultat financier ? La réponse vient d’elle-même quand on mesure l’impact de l’un et de l’autre. De bons résultats financiers sont essentiels pour l’avenir de l’entreprise. À moyen et long terme, ils vont :
assurer sa viabilité ;
permettre de projeter des investissements qui vont conforter le futur ;
rassurer les organismes de financement et par là permettre de lever des fonds ;
rassurer également les fournisseurs et les clients qui n’hésiteront pas à se lier à l’entreprise ;
distribuer aux actionnaires les richesses créée sous forme de dividendes…
Bien loin de moi l’idée de sous-estimer cet indicateur. Il est en fait l’indicateur final, celui qui sera au vert si les autres le sont aussi.
Mais le résultat financier est un voyant qui n’aide pas dans les cas d’urgence. Passer le cap des trois prochains mois est notre problème. Si nous ne pouvons pas payer l’Urssaf dans les jours qui viennent, nous devrons déposer le bilan. Soignons d’abord les blessures qui engagent le diagnostic vital. Nous pourrons ensuite revenir à une gestion plus posée et travailler sur le moyen et le long terme.
Cas réel d’une entreprise que j’accompagne
L’entreprise est en difficulté. Avec l’accord du dirigeant, je réunis les commerciaux et fixe les nouvelles règles du jeu. L’objectif n’est plus, pour l’instant, de trouver les plus gros, les plus rentables projets, mais de trouver de la trésorerie.
Les gros projets en cours d’investigation ou de négociation sont toujours d’actualité, mais ils ont un vrai inconvénient : dans le cas où nous gagnerions un projet, il nous serait absolument nécessaire de recevoir un acompte pour pouvoir approvisionner les composants. Or nos clients demanderont certainement une garantie bancaire pour débloquer l’acompte, et, dans notre situation, il nous sera impossible de recevoir cette garantie de la part des banques. Par ailleurs, ils généreront du cash et du profit très tard, trop tard pour nous sortir de la passe que nous traversons. Donc, les gros projets ne sont plus la priorité.
Tous les commerciaux ont désormais pour mission de générer des commandes d’après-vente, service, maintenance, même de prestation de service technique pour utiliser les techniciens et ingénieurs du bureau d’étude qui tourne au ralenti. Chaque commercial a pour mission de ramener 3 000 euros de commande par jour.
Ce chiffre semble modeste, mais dans cette entreprise (comme dans la plupart, d’ailleurs) l’après-vente génère une confortable marge, supérieure à 50%. Par ailleurs, le temps entre la commande et la réalisation est court. L’après-vente ne nécessite pas de notre part d’investissement significatif, et, même dans ce cas, nous pouvons faire acheter les composants par le client. Enfin, pour une petite commande à court délai, les clients seront prêts à nous passer commande, même en connaissant nos difficultés.
Un tableau de bord est établi pour suivre l’avancée quotidienne de la prise de commandes.
En une journée, l’entreprise a totalement adaptée son approche commerciale ; c’est ce qui lui permettra de sortir par le haut de ses difficultés.
Donc, mes trois mots d’ordre pour les entreprises en zone de fragilité : 1° cash, 2° cash et 3° cash.